Producteur de thé percheron

Natif de Blois, Émile Auté a quitté la région à l’adolescence pour la côte Atlantique où il a longtemps travaillé dans la restauration. Ce n’est qu’à l’aube de ses 40 ans qu’il est revenu dans le Vendômois pour y construire le second cycle de sa vie, autour du thé.

Pendant une vingtaine d’années, Émile Auté a élaboré des concepts de bar et de restaurants sur l’île d’Oléron et à La Rochelle. Inspiré par le metteur en fête Pierre Loti, il concevait de beaux lieux pour y créer de beaux événements et y satisfaire son goût de la réception. Il a ainsi ouvert treize établissements. Et puis un jour, la trentaine finissante, il est tombé sur un magazine qui traitait de permaculture et d’autonomie. « J’avais exploré différentes manières de faire mon métier, j’arrivais au bout d’un cycle. À la lecture de ce numéro de Kaïzen, je me suis interrogé sur le sens de ce que je faisais. J’avais envie d’autre chose. » Pour se réinventer, il vient réfléchir quelques temps en Vendômois, non loin de chez sa mère.

Des cocktails au thé

L’idée surgit sur un marché aux plantes où Émile commercialise ses « kokédamas », un art végétal japonais. « J’offrais une tisane aux gens, sur le stand. Un jour, une dame m’a dit : "Et vous ne les faites pas, les tisanes ?" » Ça a fait tilt. Lui qui s’interrogeait sur l’absence de bergamote dans le thé à la bergamote se lance dans la conception de recettes de thé, mais en cultivant les fruits dédiés à l’aromatisation. Un domaine finalement pas si éloigné de la conception de cocktails qu’il maîtrise sur le bout des doigts.
Pour réduire le fameux impact environnemental lié à l’importation de fruits, Émile choisit de cultiver des variétés adaptées au climat local comme l’aronia ou l’asiminier, aux baies dotées de mille vertus. « Je me rassurais comme ça, alors que je travaillais une plante lointaine. » Jusqu’à ce que l’idée de planter des théiers finisse par le tarauder. Émile découvre une association de planteurs de thé européens dont il se rapproche. Il échange avec une cultivatrice hollandaise, se forme chez un botaniste breton, part en Asie du Sud-Est à la découverte des méthodes de culture des petits producteurs... En 2019, le néo-paysan plante ses premiers théiers sur une parcelle à Sargé-sur-Braye.

Vers un thé du Perche

À la manière des viticulteurs qui cultivent des vignes dans l’idée de produire un vin typé, loin de la standardisation, Émile Auté veut créer un thé de qualité qu’il a déjà baptisé « thé du Perche ». Il ne s’agit nullement d’imiter les thés asiatiques, mais de faire éclore un produit marqué par le goût des sables cénomaniens dont il sera issu. À terme, le cultivateur veut élaborer un thé Oolong au lait des vaches percheronnes. À défaut d’être suffisante pour être exploitée telle quelle, la première récolte a déjà trouvé des amateurs de choix avec les chefs étoilés Rémy Giraud1  et Guillaume Foucault2  qui l’ont travaillée en cuisine. De quoi être optimiste pour l’avenir de ce thé du Perche. Mais déjà, le petit garçon qui affirmait sans rire à son père qu’« un jour, [il aurait] une ferme », peut se targuer d’avoir atteint son but.
Alice Enaudeau

photos : © Laurent Alvarez

1 Chef des Hauts de Loire à Onzain (Veuzain-sur-Loire)
2 Chef de Pertica à Vendôme